04/11/2025
Conseils d'investissement

Chaque hiver, la même question revient chez les investisseurs immobiliers : que puis-je faire – ou ne pas faire – pendant la trêve hivernale ? Si vous êtes propriétaire bailleur, la réponse mérite d’être bien comprise. La période s’étend cette année du 1ᵉʳ novembre 2025 au 31 mars 2026. Pendant ces cinq mois, les expulsions locatives sont suspendues afin de protéger les locataires du froid et des situations précaires. Mais cela ne signifie pas que le bailleur est démuni.
La trêve hivernale est encadrée par l’article L.412-6 du Code des procédures civiles d’exécution. Elle interdit l’expulsion d’un locataire, même si une décision de justice l’ordonne, pendant toute la période hivernale. L’objectif est simple : éviter qu’une famille ou un individu se retrouve à la rue durant les mois les plus froids de l’année. Selon service-public.fr, cette protection s’applique à tous les logements, qu’ils soient loués vides ou meublés.
Concrètement, le commissaire de justice ne peut pas exécuter la décision d’expulsion pendant cette période. Les démarches judiciaires, elles, peuvent continuer : le propriétaire peut obtenir un jugement, signifier un commandement à quitter les lieux, mais l’acte d’expulsion – c’est-à-dire l’intervention physique – devra attendre la fin de la trêve. Autrement dit, la justice ne s’arrête pas, mais son exécution, si.
La trêve hivernale a toujours été un sujet de tension entre solidarité et propriété privée. D’un côté, elle protège les locataires en difficulté ; de l’autre, elle peut fragiliser des bailleurs déjà confrontés à des impayés de loyers. Pourtant, la loi n’a pas pour but de léser les propriétaires. Elle impose simplement une pause dans l’exécution forcée, tout en maintenant le droit au recouvrement.
Un propriétaire peut parfaitement poursuivre la procédure judiciaire pendant la trêve, obtenir un jugement, voire un commandement de quitter les lieux. Il peut aussi engager des négociations avec le locataire pour convenir d’un plan d’apurement de la dette. En revanche, toute tentative d’expulsion forcée – couper l’électricité, changer les serrures, ou faire pression pour que le locataire parte – constitue un délit. Le bailleur qui outrepasse la loi s’expose à trois ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende (article 226-4-2 du Code pénal, confirmé par service-public.fr).
Contrairement à une idée répandue, la trêve hivernale ne protège pas tout le monde. Certaines situations permettent d’expulser un occupant même entre novembre et mars. C’est le cas lorsqu’un relogement adapté a été proposé et accepté par le locataire : la protection n’a alors plus lieu d’être.
Autre exception : les squatteurs. Si une personne occupe un logement sans droit ni titre, qu’il s’agisse d’une résidence principale, d’une résidence secondaire, ou même d’un garage, la trêve ne la protège pas. La loi Kasbarian du 27 juillet 2023, souvent appelée « loi anti-squat », renforce le droit des propriétaires dans ce type de situation. Elle permet notamment une procédure accélérée pour reprendre possession du bien. (Légifrance)
Les occupants violents au sein du couple, visés par une ordonnance de protection du juge aux affaires familiales, ne bénéficient pas non plus de la trêve. Enfin, lorsque le logement fait l’objet d’un arrêté de péril ou d’une mise en sécurité, l’expulsion peut être autorisée afin de protéger la santé et la sécurité des occupants.
Il est essentiel pour un propriétaire de bien distinguer les statuts. Un locataire qui reste après la fin de son bail, sans l’accord du bailleur, n’est pas considéré comme un squatteur : il bénéficie d’une décision judiciaire préalable pour être expulsé. De même, une personne hébergée temporairement qui refuse de quitter les lieux ne devient pas automatiquement un squatteur. À l’inverse, celui qui pénètre illégalement dans un bien sans autorisation du propriétaire commet une infraction : dans ce cas, la trêve hivernale ne s’applique pas, et la procédure d’évacuation peut être immédiate après dépôt de plainte.
La trêve hivernale ne suspend pas la dette locative. Le loyer reste dû, les intérêts de retard continuent à courir, et les charges demeurent exigibles. Pour un investisseur, cela signifie qu’un logement occupé sans paiement peut représenter plusieurs mois de perte sèche. D’où l’importance de la prévention : un suivi mensuel, un dialogue ouvert et des garanties solides (caution, assurance loyers impayés, garantie Visale).
Le propriétaire doit aussi anticiper l’impact sur sa trésorerie. Un bien financé par crédit immobilier continue à générer des mensualités, même si les loyers ne rentrent plus. L’anticipation budgétaire, notamment sur les projets d’investissement locatif dans l’ancien avec travaux, est essentielle : mieux vaut intégrer ce risque dans les simulations de rentabilité.
Le propriétaire n’est pas sans recours. Il peut engager une procédure d’injonction de payer, adresser des relances formelles, et demander au tribunal la résiliation du bail pour impayés successifs. Ces étapes prennent plusieurs semaines ; les initier pendant la trêve permet souvent d’être prêt à agir dès le mois d’avril.
Il peut aussi solliciter l’aide d’un commissaire de justice pour délivrer les actes nécessaires, ou contacter les ADIL (Agences départementales d’information sur le logement). Ces organismes, accessibles via le numéro vert 0 805 160 075, proposent un service gratuit d’accompagnement juridique et social. Ils conseillent aussi bien les locataires que les bailleurs sur les procédures en cours, les plans de remboursement et les solutions amiables possibles. (ADIL – service-public.fr)
Le 1ᵉʳ avril marque la fin de la trêve. À partir de cette date, le commissaire de justice peut procéder à l’expulsion, si toutes les conditions légales sont remplies. Dans les faits, les expulsions se multiplient à cette période, mais les délais d’intervention restent variables selon les départements.
Pour un propriétaire bailleur, c’est souvent l’occasion de tirer un bilan de gestion : combien de loyers ont été régularisés ? Combien de dossiers sont passés au contentieux ? Faut-il renforcer les vérifications de solvabilité ? Ce retour d’expérience est précieux pour ajuster la stratégie locative et les critères de sélection.
Dans une stratégie de gestion patrimoniale, la trêve hivernale ne doit pas être perçue comme une menace, mais comme une donnée structurelle du marché français. Elle rappelle que l’investissement locatif s’inscrit dans un cadre social et juridique strict. Intégrer cette période dans vos prévisions financières, vos contrats et vos délais de rotation est une marque de professionnalisme.
Pour les investisseurs accompagnés par un cabinet spécialisé, comme Bertrand-Demanes, cette anticipation fait partie intégrante de la mission : calculer le rendement net en tenant compte de tous les paramètres, y compris les délais légaux d’expulsion. C’est aussi une manière de protéger la rentabilité globale du projet tout en respectant la réglementation.
La trêve hivernale n’efface ni les dettes, ni les droits. Elle impose une pause humanitaire dans l’exécution des expulsions, mais laisse intact le pouvoir juridique du propriétaire. En comprenant ses contours, en anticipant les procédures et en maintenant le dialogue avec le locataire, un bailleur peut traverser cette période sans compromettre la pérennité de son investissement.
L’immobilier, c’est aussi cela : conjuguer responsabilité sociale et gestion rationnelle. Entre novembre et mars, la loi gèle les expulsions, mais elle n’interdit ni la prévoyance, ni la stratégie. Un investisseur averti sait que, dans l’immobilier comme dans la météo, mieux vaut prévoir le froid avant qu’il n’arrive.
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